Tout le monde a relevé la grossièreté du candidat sortant, qui cherche à cliver, et ainsi à se saisir d’une France officielle, celle qu’on qualifiait sous Louis-Philippe la « nation des bien-pensants ». Mais attention ! le débat ne porte plus sur les impératifs médicaux, ou plutôt les préconisations — car la médecine n’étant pas une science exacte, aucun praticien n’émettra, jamais, une affirmation non tempérée de doute. Ce doute qui, précisément, amènera des recherches et de nouvelles avancées médicales. Toute intervention touchant au domaine de la santé se fonde sur les « données actuelles de la science » et la moindre avancée — comme, en endocrinologie, celle sur les îlots pancréatiques, en essais cliniques au CHU de Lille — porte en soi de grandes espérances, ravalant les certitudes d’hier au rang de méthodes dépassées, voire dangereuses. Alors que la faculté les prônait à hautes doses avec sa fameuse, désormais fumeuse, théorie des « humeurs », on ne pratique plus, par exemple, de saignée(s) depuis des lustres…
Adossé à une lecture puérile des choses, le candidat sortant a attiré tout ce qui compte sur la place publique pour un débat relatif à son vocabulaire — très expressif, pour le coup, de sa nature réelle — et a, on l’a moins souligné, avalisé par écrit une phrase insupportable : « Un irresponsable n’est plus un citoyen ».
Chacun connaît les limites de « Jupiter », et la lecture très singulière de ce non-juriste lorsqu’il emploie des termes de droit. Là où il se trouve, notre financier international ne s’aperçoit pas — comme son maître-politicien, Hollande François, en son temps — de l’étendue d’une telle affirmation.
Il n’est pas nécessaire de remonter au magnifique traité d’André Raison sur Le statut des mineurs et des majeurs protégés, réédité plusieurs fois. On l’avait déjà compris, une personne âgée, mais invalide peut voter, mais ne peut plus sortir de son EHPAD — établissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes… Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable (1981), prémonition du très regretté Romain Gary-Ajar et bien avant, de Soleil Vert, de Harry Harrison 1966… film en 1975. Un irresponsable est un incapable.
Le Code pénal, lui aussi, a évolué, du célèbre article 64 à la formulation actuelle en art. 122-1 : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ».
Mais le débat dépasse largement la sphère juridique. Macron n’est pas davantage historien — il y aurait un bêtisier à éditer sur ses saillies d’une mémoire masochiste — et ne s’aperçoit pas de l’horreur absolue d’une telle affirmation :
« Un irresponsable n’est plus un citoyen ». Les premières lois nazies ne disaient pas autre chose ! 1935 ! Outre-Rhin, chaque famille comportant un membre « attardé » ou bizarre, et le conservant sous son toit, était tenue de se présenter au tribunal d’instance (son équivalent) et une expertise sommaire était pratiquée par des médecins aux ordres, délivrant un diagnostic sur le « bizarre ». Le programme d’extermination des « irresponsables » n’a pu être mené à bien, en un temps record, par Aktion T4, dépendant directement de la Chancellerie, en 1939-41 parce qu’auparavant, les « bizarres » avaient été privés de citoyenneté et avaient été fichés, répertoriés et, comme disent les policiers, « logés », c’est-à-dire strictement localisés.
Il faut être très clair. Le débat posé par Macron est un débat de Hollande détourné. La « déchéance de nationalité » qui empoisonna la vie politique des mois durant lors du quinquennat précédent visait à disjoindre de la Nation des individus ayant porté les armes contre elle.
Pour ma part, en proposant le rétablissement du service national, outre le renforcement nécessaire de notre armée et son ancrage dans le peuple, j’avais aussi en tête cette « épreuve de vérité », puisque — cessons de nous voiler la face — une part de nos concitoyens se vivent comme des étrangers, ressortissant d’une autre citoyenneté, et trouvant logique d’abattre sur notre sol des cibles symboles – prêtre, instituteur, mélomanes, hommes et femmes aimant la vie, les terrasses de café…
Mais Macron a, selon son habitude, étiré un débat relatif à la Nation en une arme d’exclusion. Solvable non solvable… Le fonds de pension US qui accueillera notre ex-président — après sa défaite — veille ?
Soyons précis : on peut ne pas avoir d’avis tranché sur la vaccination. On peut juste vouloir ne pas mourir de la Covid et se faire vacciner. Puisque l’on sait qu’une part non négligeable des décès touche actuellement, selon les données disponibles, les non-vaccinés, tous âges confondus. Mais qui osera le dire : Basta ! ça suffit !
Qui osera dire « non » dans cette campagne électorale, pour faire taire l’hystérisation du débat ? Qui osera ? « Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites » (Pompidou, reprenant le sapeur Camembert).
A titre personnel, je comprends la fascination du candidat sortant pour les « bizarres ». On parle tellement bien de ce qu’on connaît.
Jean-Philippe de Garate